Origines de la Fédération historique de Provence et de sa revue, Provence historique
La Fédération historique de Provence a été fondée le 11 février 1950 (assemblée constitutive) et ses premiers statuts ont été validés à cette date, sur le modèle de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, créée en 1927 sous les auspices d’Augustin Fliche. La Fédération historique de Provence se propose (article II des premiers statuts) « de créer un lien entre tous ceux qui s’intéressent au passé de la Provence, en particulier par la publication d’une revue d’érudition, consacrée à l’histoire régionale ». Dans le contexte difficile des années de l’après-guerre, la reprise d’activités de certaines associations locales ou départementales n’était pas assurée. Il s’agissait surtout de publier une revue d’érudition – c’est-à-dire conforme aux règles et méthodes de la critique historique. La première livraison de Provence historique parut en septembre 1950. L’équipe de publication était constituée de conservateurs d’archives ou de musées et d’universitaires, alors que le bureau de la Fédération comprenait des représentants d’associations. Cette répartition des compétences s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui.
La Fédération historique de Provence est l’héritière des nombreuses générations d’historiens du Sud-est français. Elle a d’emblée compris les « confins provençaux », Avignon, le Comtat Venaissin, Orange et Nice, et a intégré les Hautes-Alpes depuis la constitution de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur[1]. Sa revue Provence historique s’inscrit dans une longue lignée de publications scientifiques régionales.
La génération la plus ancienne est constituée par les Académies d’Arles (1666), de Marseille (1726), du Var (1800), de Vaucluse (1801), d’Aix (1829), ces deux dernières fondées à partir de sociétés antérieures. Ces compagnies savantes caractérisées par le numerus clausus et le refus de spécialisation dans une branche du savoir ont eu et ont un apport historique important, prédominant sinon exclusif chez les plus récentes, l’Acadèmia nissarda de Nice et l’Académie de Moustiers-Sainte-Marie (cette dernière étudie l’histoire des faïences).
Au cours du XIXe siècle sont fondées des sociétés savantes, distinctes des académies par l’absence de numerus clausus qui leur permet d’espérer rassembler l’élite intellectuelle d’une localité ou d’un département. Elles ont tendu à se spécialiser en histoire et archéologie au cours du XXe siècle : Société de statistique de Marseille et des Bouches-du-Rhône (1827-2017), Société d’études de Draguignan et du Var (1855), Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes (1878, aujourd’hui des Alpes-de-Haute-Provence), Société d’études des Hautes Alpes (1881), etc. Le XXe siècle a vu la création de sociétés strictement locales, souvent liées à l’étude et la défense du patrimoine : Comité du Vieux-Marseille, Amis du Vieux-Toulon, Amis du palais des papes, etc.
À partir de la fin du XIXe siècle et surtout au XXe siècle, l’histoire est marquée par des exigences accrues de recherche documentaire et de critique des sources et par le développement des métiers d’historiens professionnels (professeurs du secondaire et du supérieur, archivistes et conservateurs de musées et bibliothèques). La Société d’études provençales, qui avait son siège à la Faculté des lettres, a publié de 1904 à 1908 ses Annales, puis de 1909 à 1927 les Annales de Provence, revue d’archéologie, histoire, linguistique de la recherche provençale, première revue régionale aux champs strictement définis, aux articles conformes aux critères de l’histoire universitaire du temps. La fondation en 1923 à Marseille de l’Institut historique de Provence va dans le même sens : la première livraison de ses Mémoires (1924-1949) annonce « une publication périodique dont tous les éléments procurent un progrès, petit ou grand, des sciences historiques et dont nulle page ne soit, s’il est possible, une répétition ou un recuit ». Cette critique visait de façon sévère la Société de statistique, dont certains de ses membres étaient issus. Cette dernière, devenue en 1922 Société de statistique, d’histoire et d’archéologie de Marseille et de Provence, avait remplacé sa revue généraliste, le Répertoire des travaux de la Société (1837-1920) par une revue historique et archéologique sous le titre Provincia (1922-1949).
Ces deux associations marseillaises furent les fondatrices en 1950 de Provence historique, qui résulta de la fusion de leurs deux revues. Si la Société de statistique apportait à la Fédération historique de Provence naissante son important fichier d’abonnés, les Mémoires de l’IHP fournirent le modèle et les critères scientifiques de la nouvelle revue savante régionale.
Les sociétés fondatrices disparurent en plusieurs étapes. La Société de statistique, d’histoire et d’archéologie de Marseille et de Provence et l’Institut historique de Provence fusionnèrent par assemblées générales extraordinaires du 25 mars 1993. Mais dès 1997-1998, la nouvelle Société de statistique cesse toute activité. Il faut cependant attendre le 21 janvier 2021, pour que le Journal officiel publie la dissolution de la « Société de statistique d’histoire et d’archéologie de Marseille et de Provence » et accorde la dévolution de ses actifs pour la majeure part à l’Académie de Marseille et pour le reste à la Fédération historique de Provence.
De 1950 à 2014, Provence historique a comporté quatre fascicules annuels formant un volume à pagination continue. Depuis 2015, la revue publie deux fascicules annuels. À compter de 1988, les fascicules sont principalement thématiques. Le numéro 165, t. 41, 1991 procure les tables des tomes 1 à 40 (1950-1990). En 2010, les numéros de la revue sont devenus accessibles en ligne.
La FhP organise ordinairement chaque année dans une ville du sud-est, avec l’appui d’une association historique locale ou départementale, un congrès dont les communications sont, après validation par le comité de lecture, publiées dans Provence historique. Depuis 2016, ces congrès ont lieu tous les deux ans.
Plusieurs numéros de Provence historique offrent d’utiles outils à l’histoire de nos sociétés savantes. Les fascicules 245–246 (t. 61), 2011, sont par exemple consacrés à « Soixante ans d’histoire de la Provence ».
Régis Bertrand et Noël Coulet
Bibliographie
- Le fond de la FHP aux Archives Départementales des Bouches-du-Rhône (AD13, 133J)
- Provence historique, 35, 1985 (sur l’érudition provençale).
- P. Santoni, « Au service de l’histoire régionale, Provence historique et la Fédération historique de Provence », dans Études corses, 73, décembre 2011 (Albiana/ acsh), p. 127-143.
- R. Bertrand, « Érudits et historiens de Haute-Provence depuis le XVIIe siècle », dans Provence historique, 38, 1988, p. 303-321.
- Provence historique, 61, 2011, 245-246, Soixante ans d’histoire de la Provence.
- Le décret approuvant la fondation de la FHP, le 28 février 1950.
Notes
[1]. Le décret du 30 juin 1955 créant des programmes d’action régionale, dit « décret Pfimlin », est suivi d’un arrêté du ministère des affaires économiques et financières du 6 décembre 1956 qui en définit la cadre : les vingt-quatre circonscriptions régionales dont vingt-deux métropolitaines. Ainsi naît la région administrative de Provence et Corse, avant que cette dernière n’en soit détachée en 1970. Désormais, elle comprend six départements : Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse. Puis la loi du 5 juillet 1972 organise chaque région comme établissement public : le nom de Provence Alpes Côte d’Azur se fixe en 1976. Enfin, la loi du 2 mars 1982 fait de notre région une collectivité territoriale de plein exercice. L’aire ainsi délimitée ne se superpose qu’imparfaitement à la Provence historique.